Après l’impact des perturbations opérationnelles de 2023, la décarbonation, la transformation digitale et l’attractivité de la filière émergent comme les enjeux prioritaires. Le baromètre SITL 2024 met en lumière une évolution significative des critères de décision des chargeurs. A travers les domaines maritime, ferroviaire, fluvial et douanier, la performance environnementale s’ajoute dorénavant aux impératifs de coût et de fiabilité.
Le transport maritime : entre enjeux environnementaux et défis opérationnels
Les bouleversements de l’année 2023 ont poussé les chargeurs à repenser leurs stratégies et leurs priorités. Le baromètre met en lumière trois tendances majeures qui redessinent le paysage du transport maritime français.
La hiérarchie portuaire française maintenue
L’analyse du baromètre 2024 confirme la stabilité de la hiérarchie portuaire française. La domination des trois acteurs majeurs est maintenue : HAROPA en première position, suivi du Grand Port Maritime de Marseille, et du Port d’Anvers en troisième position.
Du côté marseillais, 19% des répondants se déclarent très satisfaits de l’évolution de la qualité de service. Un score qui rapproche le port phocéen des performances du Grand Port Maritime de Dunkerque, référence française en matière de satisfaction client. L’étude souligne également l’importance stratégique des ports français dans les flux logistiques. Plus de la moitié des chargeurs y fait transiter plus de 75% de leurs marchandises, tant à l’import qu’à l’export. Cela démontre la position centrale de ces infrastructures dans les échanges commerciaux.
L’environnement, nouvelle priorité des chargeurs
La politique environnementale s’impose désormais comme le troisième critère prioritaire dans le choix d’une compagnie maritime. Cette évolution s’inscrit dans le cadre des nouvelles réglementations européennes, poussant les acteurs à intégrer davantage les considérations écologiques dans leurs décisions.
Les enjeux RSE se positionnent également comme le troisième facteur d’influence pour le choix du mode maritime à partir de 2024. Pour preuve, 44% des chargeurs sont prêts à faire des concessions sur certains critères traditionnels au profit de la transition environnementale. Ces compromis se manifestent sur le prix du service (61%), le temps de transit (44%) et la conformité documentaire (22%). Des chiffres qui témoignent d’un engagement croissant vers une logistique plus durable.
L’impact des grèves sur la performance du secteur
Les mouvements sociaux de 2023 ont entrainé une redéfinition des priorités des chargeurs. La fiabilité des réservations et le respect des contrats ou cotations font dorénavant partie du top 5 des critères de sélection d’une compagnie maritime. Contrairement à 2022, l’intégralité des chargeurs a dû recourir à des solutions alternatives pour une partie de leurs opérations. En raison des grèves, 53% d’entre eux ont été contraints de modifier leurs choix portuaires.
La performance des compagnies maritimes est en baisse, notamment en matière de respect des temps de franchise. Un chiffre alarmant révèle que 63% des répondants ont subi des frais de stationnement et de D&D (Detention & Demurrage). Une problématique vivement débattue par les chargeurs et les représentants portuaires qui ont souligné l’impact de ces perturbations sur l’ensemble de la chaîne logistique.
Le transport ferroviaire et fluvial : un potentiel de développement à exploiter
Le baromètre révèle un paradoxe entre les ambitions de report modal et les obstacles opérationnels avec ces modes de transport. Cela met en lumière trois principaux axes d’amélioration.
Les freins au développement du transport ferroviaire
Le système ferroviaire français fait face à des défis structurels majeurs, comme en témoigne l’insatisfaction marquée des chargeurs. Un constat préoccupant révèle que 41% des répondants jugent le système peu compréhensible et peu lisible. Ces derniers sont à 60% issus de grandes entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Cette complexité se manifeste particulièrement dans la gestion des wagons. Valérie Cornet, Déléguée aux Transports Terrestres de l’AUTF, appelle à un meilleur accompagnement des utilisateurs sur ce point. Plus inquiétant encore, l’étude met en relief un décalage persistant entre l’offre et la demande. Plus d’un tiers des chargeurs estime que l’offre actuelle ne répond pas adéquatement à leurs besoins, tant pour le transport conventionnel que pour le combiné rail/route.
Les attentes des chargeurs en matière d’innovation
La massification des flux émerge comme une attente prioritaire, particulièrement cruciale pour les entreprises gérant de faibles volumes. L’écart significatif dans le secteur ferroviaire entre les services innovants proposés (27%) et ceux attendus (48%) souligne l’urgence de cette transformation.
Comme le détaille Lionel Le Maire, Directeur des Transports chez Soufflet (InVivo groupe), cette demande s’intensifie sous la pression croissante des critères environnementaux. La capacité des professionnels à se coordonner pour atteindre une masse critique devient ainsi un enjeu stratégique. Cette problématique de massification souligne la nécessité d’une modification des modèles opérationnels pour le transport ferroviaire et fluvial.
La performance opérationnelle comme levier du report modal
L’analyse des critères favorisant le report modal révèle une approche pragmatique des chargeurs, privilégiant la performance opérationnelle. Pour le transport ferroviaire et fluvial, les priorités s’articulent clairement autour de trois axes majeurs :
- L’amélioration de l’offre en termes de flexibilité et de fiabilité constitue un enjeu crucial dans le ferroviaire pour 81% des répondants et 70% pour le fluvial.
- Les incitations financières représentent un second levier d’action, avec 64% des répondants pour le ferroviaire et 57% pour le fluvial.
- La stratégie étatique de développement de ces modes de transport est importante pour 52% (ferroviaire) et 39% (fluvial) du panel.
Ces résultats soulignent que le report modal n’est envisageable que s’il permet aux industriels d’améliorer leur performance et leur compétitivité.
Le secteur douanier : des défis structurels à relever
Les résultats du baromètre concernant le secteur douanier révèlent une situation contrastée. Il se distingue des disparités importantes dans la qualité de service et des inquiétudes croissantes face aux évolutions du métier.
Une qualité de service hétérogène
Le baromètre met en évidence des écarts significatifs dans la satisfaction des directeurs douane selon leurs interlocuteurs. Si la relation avec les RDE (Représentants en Douane Enregistrés) s’avère satisfaisante, les interactions avec les expressistes suscitent davantage d’insatisfaction. Jean-Michel Cabot, Vice-Président de la commission Douanes et Commerce International de l’AUTF, souligne le caractère récent des relations avec les expressistes et les nombreux chantiers en cours.
Par ailleurs, Jean-Michel Garcia, Délégué aux Transports Internationaux de l’AUTF, pointe une problématique persistante. Il s’agit de la difficulté d’obtention des autorisations auprès de l’administration des douanes. Ce constat est reflété par une satisfaction moyenne des répondants.
Les inquiétudes face aux évolutions réglementaires
Les directeurs douane expriment de vives préoccupations sur les mutations réglementaires à venir. Elles concernent trois dispositifs majeurs : Delta I/E, CBAM (Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières) et PoUS (Preuve d’Origine Unique Simplifiée). Ces nouvelles réglementations sont essentielles pour la modernisation et la sécurisation des échanges internationaux. Elles soulèvent néanmoins des inquiétudes quant à leur mise en œuvre opérationnelle et leur impact sur les processus existants.
Les professionnels du secteur se heurtent à une complexité croissante du cadre réglementaire, combinée à la nécessité d’une adaptation rapide. Cette situation met en lumière le besoin d’un accompagnement renforcé des acteurs dans cette phase de transition.
Les enjeux de l’attractivité du métier
La problématique des ressources humaines émerge comme un défi majeur pour le secteur douanier. Une part prépondérante du temps des responsables douane est désormais consacrée à la gestion interne. Le secteur fait face à des difficultés de recrutement persistantes et un besoin urgent de revalorisation du métier. Cette situation appelle à une mobilisation accrue pour repenser l’évolution de la profession et renforcer son attractivité. L’enjeu est crucial devant la complexification des exigences du métier et les besoins grandissants en expertise douanière.
Le baromètre SITL 2024 dresse le portrait d’un secteur en pleine mutation, confronté à des défis majeurs, mais également porteur d’opportunités significatives. La montée en puissance des enjeux environnementaux, parallèlement aux impératifs de performance opérationnelle, redessine les contours du transport et de la logistique.
Si les perturbations de 2023 ont mis en lumière les fragilités du système, elles ont également accéléré une transformation profonde. Son succès reposera sur la capacité des acteurs à allier innovation, durabilité et efficacité opérationnelle, tout en répondant aux nouvelles exigences réglementaires et sociétales.